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Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol

04 June, 2022
Jean Michel Basquiat et Andy Warhol ont collaborés à la création de plus de deux cent oeuvres. Une collaboration prolifique qui connu une fin abrupte.

Cette fameuse collaboration entre Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, qui s’est trouvée enfouie sous des couches et des surcouches de mystifications au fil des années, a été un des sujets les plus discutés du monde de l’art et des discours variés de la culture Pop. La plupart du temps, ces histoires essaient de nous faire comprendre ce qui s’est passé entre les deux artistes, les détails de leur relation si compliquée, ainsi que sa fin abrupte. Apparemment, par la suite, ces légendes (parce que c'est tout ce qu'elles sont) ont pris vie d’elles-mêmes, faisant s’entrelacer l’histoire de l’art et les aspects variés de la situation existentielle de ces deux grands artistes.

 

Beaucoup d'aspects de la relation entre Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol sont purement fictifs et leurs proliférations dans le discours populaire a énormément aidé à la mystification de la légende. Nous allons essayer de tirer au clair certains aspects importants pour la compréhension de cette relation prolifique des années 80. À vous de vous poser la question de savoir si l’important est de découvrir la vérité, ou plutôt de croire ce que l'on veut y découvrir…

 

La collaboration Basquiat-Warhol

Leur collaboration a été la résultante du moment particulier où ils ont commencé ensemble leur voyage à travers le monde. Très différents l’un de l’autre, en termes d'individualité et d’aspirations artistiques, ils trouvèrent le moyen d’incorporer leur travail personnel dans les œuvres auxquelles ils ont collaboré. Créant conjointement, principalement durant 1984 et 1985, ils réalisèrent pratiquement deux cents œuvres communes. À part cela, les histoires qui tournent autour de leur relation n’a que très peu à voir avec l’art en lui-même. Le scénario d’un article, d’un documentaire, et même d’un débat entre personnes enthousiasmées par l’art, semble toujours suivre le même schéma : qui utilisait qui ? Comment et pourquoi la relation a-t-elle pris fin ? Était-ce le besoin d’un nouveau sang pour un artiste qui avait besoin d’un coup de pouce, ou la recherche d’un public pour un jeune artiste assoiffée de célébrité ? Etc, etc.

 

Ajoutez à cela la façon tragique dont ils ont tous deux disparus de la scène publique, et vous avez la recette d’un débat sans fin.

 

Question d’appartenance ethnique

Ce n’est pas un secret de révéler que l’art de Basquiat fut largement influencé par ses origines ethniques, de manière personnelle et sur le plan de son expression artistique. Cependant, il est intéressant de considérer comment cela est arrivé. Quand on regarde la carrière de Basquiat, on comprend le monde de l’art des années 80.

 

L’accueil du travail de l’artiste a souvent été teinté de discrimination. Cela valant pour les critiques, autant que pour les marchands d’art et les collectionneurs. D’un côté Basquiat était intéressant parce qu’il apportait le symbolisme du rituel, la magie et l’intrigue, avec son style particulier d’expression. D’un autre côté, en tant qu’individu, il semble avoir apporté l’esprit de différenciation sur la scène « racialement ennuyeuse » du marché de l’art.

Mais c’est justement ça : il ne s’agit pas de savoir si l'on reconnait ces instances comme positives ou négatives. Il s’agit de comprendre un artiste confronté à la notion d’altérité pendant toute sa vie, et toute sa carrière artistique. Même lorsqu’il s’exprimait au travers de graffitis durant sa période SAMO, Basquiat se cherchait, essayant de comprendre ce qu’il représentait (ou devait représenter). Il a formé son style artistique dans le triangle des Bermudes de l’art de la rue, de la culture Occidentale et des sédiments de ses connotations raciales.

 

Warhol-Basquiat, Le tableau Paramount

Les questions d’art et de culture

Peut-être que la collaboration avec Warhol à permis à Basquiat d’adresser les notions de culture populaire, ainsi que la scène tout entière de l’art contemporain, en y incorporant ce qu’il trouvait de plus important quand il s’agissait de s’exprimer lui-même librement. Ce pourrait être ce qui rendît leurs travaux communs possibles. Essayons au travers d’une courte analyse contextuelle, évidemment hyper-simplificatrice, de leurs travaux, de comprendre l’effet de ces œuvres au niveau du symbolisme culturel de l’époque.

 

Le tableau Paramount peut être perçu comme le vrai paradigme du texte-contexte qui intéressait Warhol et Basquiat. Il résonne de toute l’approche dialectique de la création de leur art, puisque apparemment, le duo créait dans une atmosphère de dialogue de styles silencieux, mais dynamique.

 

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Dans une interview, Basquiat révèle que Warhol commençait un tableau et qu’il venait ensuite peindre par-dessus. Paramount incorpore les instances de l’illusion Hollywoodienne et, par un symbolisme appuyé, dépeint la décennie ; il résonne du contexte socio-économique de l’époque. En plus des attributs qui critiquent l’économie, il y a une note personnelle de Basquiat, représenté par le personnage noir fait de bâtonnets qui se noie dans la piscine au milieu de la toile. Ce processus de thèse antithèse est aussi visible dans la toile GE, dans laquelle Warhol contribua au travers du logo de General Electric et que Basquiat continua en y incorporant les figures de Street Art propres à son style, représentant les deux faces du mode de vie américain.

 

Basquiat Warhol General Electric

 

 

On pourrait affirmer que ces deux œuvres montrent le respect qu’avait Warhol pour le jeune artiste et ses commentaires sociaux. Au travers de ces œuvres communes, Warhol, autoproclamé artiste commercial de la décennie précédente, aborde les questions des affaires nationales et internationales des années 80.

 

Nous avons à peine gratté la surface de l’abondance de sens situé dans les œuvres auxquelles ils ont collaboré. Confronté à ces travaux, on se sent comme l’observateur privilégié de la chronique d’une époque, créés par l’esprit artistique transgénérationnel de deux des artistes les plus influents du 20ᵉ siècle.

 

Basquiat et Warhol, Chine

Démystification

Cette histoire doit-elle être celle de l’amour, de la jalousie et de l’incertitude, ou y a-t-il autre chose ?

 

On peut affirmer que le monde de l’art se nourrit du processus de mystification. En cherchant à comprendre les récits qui donnent un « vrai rapport » de ce qui s'est passé, on a tendance à y incorporer, de manière volontaire ou par accident, de nouveaux éléments qui ont du sens par rapport à notre théorie.

 

Cependant, nous ne devrions pas nous attarder sur les facteurs de « condition humaine » ou les « raisons » qui constituent le principal des discussions à propos de comment les œuvres ont été crées, mais plutôt les regarder comme le résultat collatéral de ce qui est le plus important – ce n’est pas l' individu au centre de la signification, mais bien l’histoire elle-même.

 

Pour comprendre la relation entre Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, il faut regarder ces œuvres et en retrouver le sens, à peine caché, derrière les articulations entre l’art et la culture que tous deux ont réussi à créer.

 

Tag(s) :  Warhol , Basquiat