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Comment Jean Michel Basquiat est-il devenu une inspiration pour tant d'artistes?

13 June, 2022
JM Basquiat était l'enfant prodigue de l'art moderne, présent sur la scène de l'art Américain à New-York au moment où se développait la tendance graffiti.

Il y a vingt-neuf ans, Jean-Michel Basquiat succombait à une overdose dans son appartement de l’East-Village à New York. Sa mort, à tout juste 27 ans, sonnait le glas pour une génération d’artistes décimés par la drogue et le Sida. Durant sa vie, il devint pourtant une des figures les plus importantes du monde de l’art new-yorkais.

 

La vie dissolue de Jean-Michel Basquiat

Maintenant, et plus que beaucoup d’artistes de sa génération, il continue à vivre au travers de films, de livres, de musiques et bien sûr, des arts plastiques ; ce qui n’est pas très surprenant puisqu’il était aux premières loges de changements massifs dans l’art, la culture et les races aux États-Unis.

 

Le centre-ville de New-York vers la fin des années 70 et le début des années 80 a eu sa part de débauche et de fêtards. Il y avait le Mudd Club, le Club 57, l’Area, un nombre de lofts incalculable et de la drogue à gogo. Basquiat faisait partie de la scène new-yorkaise avant ses 20 ans, au début comme moitié du duo de graffeurs SAMO, dont les tags parsemaient la ville.

 

Son groupe de musique, Gray, jouait dans tous les endroits branchés, pendant que sa petite amie Jennifer Goode aidait à la création de décors d’un autre monde à l’Area, et que son ami et mentor Andy Warhol cofondait le magazine Interview, le guide littéraire des personnages culturels de la ville.

 

Si "Interview" et le "Village Voice" étaient les publications qui documentaient le monde de Basquiat, "TV Party" était leur pendant télévisuel. Crée et présenté par l’écrivain Glenn O’Brien (qui publiait et écrivait pour Interview), l’émission, qui donnait accès à son public, était filmée en direct, avec un petit budget, et s’intéressait à la vie dissolue des personnalités de l’époque – Debbie Harry, Chris Stein, Fab Five Freddy, John Lurie, David Byrne et bien d’autres.

 

Chaque épisode était une fête à laquelle Basquiat était souvent invité, ainsi qu'à beaucoup d’autres réjouissances non télévisés dans le centre de New-York.

 

Mais, rappelez-vous : c’était bien avant Instagram et Facebook.

Comment le reste de la ville était-elle au courant des fiestas privées, des spectacles à voir absolument et des réjouissances diverses ? Cette responsabilité revenait aux photographes (ceux qui étaient invités) comme Tseng Kwong Chi et Michael Halsband, qui photographiaient pour eux-mêmes, leurs amis, et pour des publications artistiques comme ArtNews.

 

À l’époque, comme maintenant, les personnes payaient pour savoir ce que les célébrités faisaient, et Basquiat – jeune, beau garçon, cool et avec une carrière couronnée de succès – était une célébrité. Être un protégé d’Andy Warhol n’a pas dû faire de mal, ceci dit.

 

Du côté des mercenaires de la photo, des photographes comme Ron Galella (connu pour être le parrain des paparazzi d’Amérique) prenaient des clichés pour les magazines à ragots et les publications de Page Six, dans lesquels Jean-Michel Basquiat apparaissait souvent. D’après Galella, le comportement des paparazzi était plus digne à l’époque.

 

« Aujourd'hui, ils chassent les célébrités parce qu’ils courent après l’argent. Ils cherchent à faire des photos de leur cellulite ou leur gras – je n’ai jamais fait ça, je recherchais la beauté. »

 

La beauté, Basquiat l’avait. Lors de sa première apparition dans TV Party, alors qu’il n’était connu que pour SAMO, une spectatrice passa un coup de téléphone sur le plateau pour lui faire savoir : « J’aime les yeux de SAMO. Il a des yeux magnifiques. Je veux que tout le monde le sache. »

 

Maintenant, quelque 30 ans après sa mort, le nom de Basquiat apparaît toujours dans Page Six de temps à autre, mais la plupart du temps pour des histoires liées aux collectionneurs et aux salles des ventes qui achètent et revendent ses œuvres pour des millions de dollars, comme en mai 2017 dernier, quand l’une d’elles décrocha le record des ventes pour un artiste américain.

 

L'iconique Basquiat et les nouveaux saints

L'image que Basquiat représente – la rébellion artistique, une créativité désinhibée, une tragédie du 20ᵉ siècle – est toujours vivace au travers des portraits qu’en font les artistes de nos jours.

 

Alors que les artistes de l’antiquité avaient tendance à dépeindre des personnages religieux, des philosophes, des patrons et la classe dominante, l’iconographie, de nos jours, est définie par la célébrité et la culture Pop. Les célébrités, mortes ou vivantes, sont les nouveaux saints. Pour l’artiste de rue Shepard Fairey, cela signifie que Basquiat a rejoint Michael Jordan, Barrack Obama, Georges Harisson et Ice T. Pour le peintre Otto Ducker, ce serait Jimi Hendrix, Mick Jagger, Paul Newman et Yoda.

 

Le visage de Basquiat est juste un volume dans une librairie de visages célèbres qui ont amassé une somme phénoménale de valeur culturelle.

 

Cependant, quelques artistes utilisent l’image de Basquiat avec une approche plus nuancée de son héritage. Après tout, les fêtes, la drogue et le succès amènent à considérer une caractéristique essentielle de son parcours : être un artiste de couleur à succès dans un monde de l’art qui était, et est toujours, essentiellement composé de blancs.

 

Dans la série Blue Notes (2014-2015), Carrie Mae Weems met en scène un portrait de Basquiat, son visage légèrement obscurcis par un bloc de couleurs. « C’est à propos de comment les gens vivent derrière leur couleur. Ils vivent derrière ce monde de couleur qui rend impossible l’émergence de leur propre voix. »

Tag(s) :  Warhol , Basquiat